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Saint Grégoire, évêque de Tours

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Extrait de La Vie des Saints, supplément au Pèlerin, 1881

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Premières années et études de saint Grégoire

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Le 30 novembre 539, en la fête de saint André, Georgius, Florentius Grégoire, commençait en Auvergne le cours de sa vie mortelle. Sa famille, illustre déjà par sa noblesse et par ses richesses, l’était encore plus par sa sainteté. Grégoire était neveu de saint Gal de Clermont, arrière-petit-fils de saint Grégoire de Langres, petit neveu de saint Nicetus (Nizier) de Lyon, et comptait parmi ses ancêtres saint Vettius Epagathus qui subit le martyre avec sainte Blandine et saint Pothin. Ainsi, écrit saint Odon de Cluny, rose plus gracieuse que sa tige, Grégoire devait un jour renvoyer sur ses ancêtres son propre éclat augmenté de la noblesse qu’ils lui avaient transmise.

Ce fils des saints commença vers l’âge de huit ans ses études, sous la direction de son oncle saint Nizier. Ses premières lectures furent les livres de Josué et de Tobie. Cet attrait pour la littérature sacrée fut développé d’abord par saint Gal de Clermont et, plus tard, par saint Avit son successeur. Descendant d’une race de saints, disciple de saints, nourri par l’étude des livres sacrés, Grégoire ne pouvait qu’avancer vers la sainteté. Grâce aux maîtres de mon adolescence, dit-il, et au goût qu’ils m’inspirèrent pour les études chrétiennes, j’eus l’insigne bonheur de connaître la Rédemption du monde par Notre-Seigneur Jésus-Christ et les grâces ineffables réservées à ceux qui suivent l’époux en portant sa croix. Ainsi fidèle aux premières inspirations de son enfance, Grégoire de Tours ne concevait pas qu’un disciple de Jésus-Christ pût s’attarder dans les sentiers de la mythologie et préférer les fables des auteurs païens aux merveilleux récits de l’hagiographie. La merveille des merveilles, dit-il, n’est-elle pas pour nous la prédication évangélique qui se continue par les miracles des saints ?

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Il guérit miraculeusement son père

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Bien jeune encore, Grégoire donna des signes de sa future sainteté. Une première fois il guérit son père d’une grave maladie en plaçant sous son chevet une tablette où était écrit le nom de Jésus. Peu de temps après la maladie revint jeter le trouble dans la famille. Une nuit, un ange apparut au fils de Florentius : - As-tu le livre de Tobie ? lui demanda-t-il. – Non, répond Grégoire, pas encore. – Alors lis-le et tu verras comment le jeune Tobie guérit son père ; suis son exemple et le tien sera sauvé. À son réveil l’enfant suit le conseil céleste, prend du fiel de poisson et son père recouvre la santé.

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Grégoire est guéri plusieurs fois par des pèlerinages

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Dans sa jeunesse, Grégoire fut atteint par la maladie. On recourut pour le sauver aux grands remèdes de cette époque de foi. C’était auprès des tombeaux des martyrs et des confesseurs qu’on allait demander une guérison que la science humaine ne pouvait procurer. Grégoire se fit porter au tombeau de saint Alyre. Il avait confiance. Il se soumet à la volonté divine, et, dans un élan d’amour, il promet à Dieu d’entrer à son service si sa prière est exaucée. Dieu lui rend la santé, et Grégoire, fidèle à son vœu se présente à saint Avitus qui l’admet au nombre de ses clercs en lui donnant la tonsure. Une autre fois le jeune Arverne vit encore ses jours en danger : J’étais presque à l’agonie, dit-il, lorsque j’invoquai le bienheureux Martin, son nom sortit avec une prière de mes lèvres mourantes. L’amélioration se fait sentir et Grégoire demande à être porté à Tours, au tombeau du protecteur des Gaules. Ses parents, ses amis, veulent le dissuader d’un projet qui paraît insensé, mais ne pouvant triompher de sa résistance, ils veulent du moins l’accompagner. Dieu qui voulait éprouver la foi du malade, et la rapprocher par une guérison plus éclatante du but prédestiné de sa vie, permit que pendant le trajet, Grégoire fût réduit à la dernière extrémité. Ses amis veulent retourner.

Si Dieu vous appelle à lui, disent-ils, vous aurez la consolation de mourir sous le toit paternel ; si vous guérissez, vous aurez le loisir de faire votre pèlerinage plus tard ; de toutes façons nous ne pouvons vous laisser mourir dans ce désert. Ces paroles, dit saint Grégoire, me perçaient le cœur, je fondis en larmes, et je leur dis : « Je vous adjure, par le Dieu Tout-Puissant et par son jugement, de consentir à ce que je vous demande. Si je mérite de voir la basilique du bienheureux Martin, je rends grâce à Dieu ; si non portez-y mon cadavre pour l’y ensevelir ». Il fallut se laisser fléchir, et Dieu récompensa la foi de Grégoire en lui accordant une guérison complète. Un de ses clercs nommé Armentarius, très versé dans l’Écriture Sainte l’avait accompagné. Une maladie l’avait réduit à un état d’idiotisme presque complet. Un matin, Grégoire appelle un de ses domestiques. Armentarius se présente : « Seigneur, dit-il, je préparerai tout, vous n’avez qu’à ordonner. Grégoire étonné demande des explications. Ce que je sais, répond le jeune clerc, c’est que je me porte très bien, mais ce que je ne sais pas très bien, c’est comment et d’où je suis venu ici. En effet une double guérison avait eu lieu, et, depuis, saint Martin n’eut pas d’apôtre plus fervent que Grégoire. Plus tard, lorsqu’il aura pris rang parmi les pontifes, il dira au médecin qui désespère de sa guérison : « Vous avez épuisé tous les secrets de votre art, mais j’ai un excellent remède dont je veux vous donner la recette : allez prendre de la poussière du tombeau de mon Seigneur saint Martin, et faites m’en une potion ». C’est par de semblables moyens que Grégoire triomphait de la maladie et recouvrait assez de forces pour combattre encore longtemps le bon combat.

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Il est nommé évêque de Tours

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Le siège de Tours était alors occupé par le bienheureux Euphrone. Chargé d’ans et de mérites, le saint pontife s’endormit dans le Seigneur. Lorsqu’il fallut lui choisir un successeur, le nom de Grégoire sortit de toutes les bouches. Une députation fut envoyée à Metz, à la cour du roi Sigebert où Grégoire se trouvait alors. Son humilité repoussa le fardeau qu’on voulut lui imposer, mais la volonté de Dieu était manifeste, il fallut consentir. Quelques jours après, Œgidius, successeur de saint Remy, lui conférait l’onction épiscopale.

L’entrée du nouvel évêque dans sa ville fut un triomphe. Saint Fortunat, que les Gaules et l’Italie appelaient le prêtre de Poitiers, le Virgile chrétien, écrivait aux habitants de Tours : « Applaudissez, peuples heureux, qui possédez enfin le nouvel objet de vos désirs. Votre pontife est arrivé. Il se nomme Grégoire, nom prédestiné qui signifie bon pasteur. Désormais les agneaux du Christ seront à l’abri de l’invasion ennemie, il les gouvernera dans la joie du Seigneur sous l’autorité des clefs de Pierre. Une auréole de lumière entoure son front, c’est un rayonnement nouveau émané des sphères supérieures où brillent l’héroïque Athanase, l’illustre Hilaire, la riche pauvreté de Martin, la douceur d’Ambroise, la resplendissante figure d’Augustin ».

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Au moment où Grégoire prenait la houlette de saint Martin, la Gaule était déchirée par les rivalités des descendants de Clovis. Alors l’évêque était non seulement le père spirituel de son diocèse, mais le défenseur né de son troupeau, son protecteur le plus puissant même dans l’ordre civil. Alors comme aujourd’hui, les grands voulaient dominer les évêques et, en la personne des évêques, c’était l’Eglise qu’ils voulaient abaisser, soit en contestant ses droits, soit en voulant la faire entrer dans leurs voies coupables. Grégoire est évêque, il sera donc le pasteur et le défenseur de son peuple ; malgré tout il saura maintenir les droits de l’Eglise et faire entendre aux rois des paroles de justice et d’équité. Aussi la conduite de tels pasteurs a-t-elle fait dire que la France avait été formée par ses évêques.

En 575 Chilpéric s’étant emparé de la Touraine demande à l’évêque de lui livrer le duc Boson qui s’était réfugié dans l’église de Saint-Martin jouissant du droit d’asile. Grégoire résiste aux menaces et a recours à ses armes habituelles, à la prière. Dieu pour l’encourager guérit sur-le-champ une femme infirme depuis douze ans. Les ministres du roi insistent et l’évêque leur répond que saint Martin saura bien défendre sa basilique. On voulut passer outre, mais la prédiction de l’homme de Dieu se vérifia, l’envoyé de Chilpéric succomba bientôt à une maladie soudaine. Ainsi la vertu de saint Martin et l’énergie des évêques forçaient les rois francs à respecter la justice et l’humanité au milieu de leurs guerres civiles.

 

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Saint Grégoire et saint Prétextat

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Ce fut surtout au comité réuni pour juger saint Prétextat que Grégoire montra qu’il était évêque. Chilpéric et Frédégonde avaient tout mis en œuvre pour faire condamner et déposer le prélat. On avait trouvé de faux témoins et même des évêques courtisans avaient promis leurs voix. Seul Grégoire se montra juste et indépendant : « Souvenez-vous, seigneurs et frères dans le sacerdoce, dit-il, souvenez-vous des paroles du prophète : si le guetteur voyant venir l’ennemi ne sonne point la trompette, il répondra de l’âme des victimes. Ne restez pas muets, parlez haut, mettez devant les yeux du roi son injustice de peur qu’il n’arrive quelque catastrophe dont vous seriez responsable. » Deux évêques ambitieux rapportèrent au roi les paroles de l’évêque de Tours qui fut aussitôt mandé devant Chilpéric. Les promesses et les menaces ne purent rien sur l’indépendance du saint, et il parvint même à ramener pour un moment le roi dans les voies de la justice. La nuit suivante on viendra lui offrir honneurs et richesses s’il veut, avec les autres évêques, parler en faveur du roi contre l’évêque de Rouen : « Je ferai ce que le seigneur me commande, répondra-t-il, et je parlerai conformément aux saints canons. »

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Cependant l’injustice triompha, Prétextat fut relégué en exil. Peu de temps après il fut rappelé dans sa ville épiscopale, mais ce fut pour y tomber martyr sous les coups des meurtriers armés par Frédégonde. Après cette triste séance, Grégoire quittait le palais royal pour retourner en sa province. Son compagnon de route, saint Salvius d’Albi, l’arrête et lui montrant la demeure du roi : « Ne voyez-vous rien sur le palais, lui demande-t-il. J’y vois, dit Grégoire, le nouveau belvédère que Chilpéric y a fait construire. Moi, continua Salvius, j’y vois le glaive du Seigneur prêt à frapper cette maison. » Terrible menace qui devait bientôt s’accomplir.

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Lorsqu’il monta sur le siège de Poitiers, saint Hilaire voulant donner à son troupeau la ligne de conduite, avait dit : Je suis évêque. Grégoire s’inspirant de la conduite du grand docteur, avait dit, lui aussi « Je suis évêque. » Pour sauvegarder les droits de la justice, pour conserver à l’Eglise sa liberté, il avait résisté à Chilpéric et à Frédégonde. Son langage apostolique lui avait attiré la colère de la reine qui avait dès lors juré sa perte.

Une odieuse calomnie fut portée contre lui et un concile fut convoqué pour juger l’évêque de Tours. De faux amis envoyés par Frédégonde, lui conseillèrent de fuir en emportant ce qu’il avait de plus précieux. Mais le saint découvrit l’artifice, et loin d’y succomber il fut un des premiers à se rendre au concile. Son innocence fut prouvée et il rentra dans les bonnes grâces de Chilpéric. Il n’usa de cette faveur que pour demander la grâce du clerc qui l’avait calomnié.

Saint Grégoire avait pour ami saint Fortunat de Poitiers qui a chanté sa consécration et son entrée dans la ville de Tours ; la vie de notre saint se trouve mêlée à celle de sainte Radegonde, et c’est à sa plume que nous devons le récit de ses funérailles.

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Sa dévotion aux saints

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Saint Grégoire avait une grande dévotion aux saints et il portait toujours suspendues à son cou des reliques de Notre-Dame et de son seigneur saint Martin. Ce culte des saints lui avait été transmis par sa famille. C’est par leur protection que son père arraché à sa patrie pour suivre le roi Théodebert, comme otage, avait échappé aux dangers des éléments et des hommes de guerre.

Grégoire n’était encore que diacre lorsque le ciel se servit de lui pour faire rendre plus d’honneur aux saints. Un de ses concitoyens gardait avec beaucoup de négligence quelques parcelles du tombeau de saint Martin. Il tomba dangereusement malade, et une nuit, un personnage au visage terrible lui apparut : « Si tu veux guérir, dit-il, porte au diacre Grégoire les reliques que tu gardes avec tant de négligence. »

Allant un jour de Bourgogne en Auvergne, le diacre devenu évêque fut surpris par une épouvantable tempête. Prenant alors ses reliques, il les présenta à la nuée qui venait de fondre sur lui et aussitôt la sérénité de l’atmosphère se rétablit. A ce prodige Grégoire eut une pensée de vaine gloire, mais son cheval trébucha et le saint ayant reconnu à ce signe une punition divine, en demanda aussitôt pardon à Dieu.

Il avait donc une confiance sans borne en saint Martin. Le démon fit tous ses efforts pour le détourner de cette dévotion. C’était le jour de Noël ; Grégoire avec son clergé se rendait à la Basilique du bienheureux confesseur pour y célébrer les saints mystères. Un possédé furieux se jette au-devant de la procession : « C’est en vain, dit-il, que vous implorez le secours de Martin, il vous a abandonnés à cause de vos péchés. Ce n’est plus à Tours c’est à Rome qu’il fait des miracles. » Ces paroles jettent les assistants dans la douleur et tous vont prier avec larmes devant le tombeau de leur apôtre et protecteur. Dieu par un miracle découvrit les impostures de l’esprit de mensonge. Un malade paralysé depuis trois ans, s’étant approché du tombeau du saint, recouvra tout à coup l’usage de ses membres. Aussitôt le peuple fait retentir les actions de grâces : « Chassez la crainte de vos cœurs, dit l’évêque, le bienheureux confesseur habite encore parmi nous. N’ajoutez pas foi aux paroles du démon, il est menteur dès le commencement et la vérité n’habite pas en lui. »

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Dieu témoignait par des prodiges, combien les honneurs rendus par Grégoire aux reliques des saints lui étaient agréables. L’évêque allait consacrer un oratoire. Les prêtres et les clercs revêtus d’ornements sacrés portaient les reliques de saint Saturnin et de saint Martin. Tout à coup une lumière surnaturelle resplendit. Les assistants éblouis tombèrent la face contre terre. Grégoire les releva : « Rappelez-vous, leur dit-il, qu’un globe de feu s’échappa du chef de notre bienheureux protecteur. Le prodige qui vient de s’accomplir nous montre que nos saints sont toujours avec nous. Gloire à Dieu, béni soit celui qui vient en son nom, le Seigneur notre Dieu nous a illuminés. »

Au don des miracles, il joignait celui de discerner les esprits. Son humilité était telle qu’il se jugeait indigne d’écrire les prodiges de saint Martin, et il fallut qu’un ordre du ciel lui enjoignit de les rédiger sous peine d’encourir l’indignation divine.

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Grégoire à Rome

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Vers les dernières années de sa vie, Grégoire vint visiter le pontife romain. Il priait humblement prosterné devant le tombeau des bienheureux Apôtres Pierre et Paul quand un homme de haute stature, à la physionomie noble et douce, s’approcha de lui et le considéra attentivement. C’était saint Grégoire le Grand. – Prévenu de l’arrivée de l’évêque de Tours, il regardait cet homme dont la vertu et l’éloquence célébrées par Fortunat étaient connues de toute l’Italie. Le contraste d’une taille si exiguë (celle du saint était en effet petite) avec tant d’éminentes qualités lui vint à l’esprit et il admirait les secrètes dispositions de la Providence qui choisit parfois les plus humbles instruments pour opérer les plus grandes choses. Cependant l’évêque de Tours se relève et regardant le Souverain Pontife d’un air inspiré : « Nous ne nous sommes pas créés, dit-il, et le Dieu qui nous a faits est le même dans les grands que dans les petits. » Cette réponse émut et ravit le pape qui redouble de soins pour son hôte, et lui offrit à son départ une chaire pour son église de Tours.

 

 

Sa mort

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Un si grand et si laborieux pontificat dura vingt et un ans et le 19 novembre 594, en l’octave de saint Martin, Grégoire de Tours alla jouir de la récompense éternelle. Il avait demandé à être enterré en un lieu où tout le monde pût passer sur sa tombe. Mais son clergé n’y voulut pas consentir et mit son corps à côté de celui de saint Martin pendant que son âme partageait la même gloire dans le ciel.

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Ses écrits

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Saint Grégoire de Tours ne fut pas seulement un grand saint, un grand évêque, mais encore l’historien de la nation des Francs ; aussi mérita-t-il d’être appelé le père de notre histoire. Ses écrits commencent par une profession de foi au dogme de la Très-Sainte-Trinité. On y trouve l’histoire civile mêlée avec l’histoire de l’Eglise ; il raconte les combats des rois contre les nations ennemies, ceux des martyrs contre les persécuteurs, et enfin ceux de l’Eglise contre les hérétiques.

Saint Grégoire, évêque de Tours

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Par saint Odon de Cluny

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C'est à bon droit qu'on vénère la mémoire de tous les saints ; mais les fidèles honorent en premier lieu ceux qui, soit par leur science, soit par leur exemple, ont brillé avec plus d'éclat que les autres. Or, que le bienheureux Grégoire, archevêque de la métropole de Tours, ait été l'un de ceux-ci ; qu'il ait resplendi de ce double mérite, c'est ce que prouvent des documents qui ne sont pas d'une faible autorité. Il est donc certes nécessaire de décrire, fût-ce incomplètement, ses actions, afin que la renommée d'un tel homme ne soit pas obscurcie quelque jour par le nuage de l'incertitude. Sans doute il suffit à sa gloire qu'il ait au haut des cieux le témoignage de Christ, auquel il voulait plaire ; mais parmi nous, ne serait-ce pas cependant une chose coupable de taire les louanges de l'homme qui s'efforça de publier celles de tant de saints ? Quelque étendue qu'atteigne ce petit récit, tous ses hauts faits n'y seront pas racontés, parce que, négligeant plusieurs choses que la tradition rapporte, nous nous bornons à un petit nombre de celles qui sont attestées par ses livres. Que si quelqu'un lui demande des miracles, mesurant judaïquement sur le nombre de miracles la sainteté de tout personnage, que pensera-t-il de la bienheureuse mère de Dieu ou de Jean le Précurseur ? Qu'il juge donc plus sainement, et sache qu'au jour redoutable du jugement, beaucoup de ceux qui ont fait des miracles seront réprouvés, et que ceux-là seulement qui se sont adonnés aux œuvres de justice seront accueillis à la droite da souverain juge. Ainsi ce n'est pas pour avoir opéré des miracles que nous recommandons notre métropolitain, quoique sa vie n'en soit pas absolument dépourvue, mais nous espérons démontrer que, doux et humble de cœur, il marcha sur les traces du Christ.

Par son aïeule paternelle, Léocradie, Grégoire descendait de Vettius Epagathus qui fut un des martyrs de Lyon[1], et, par sa mère, Armentaire, il était un arrière-petit-fils de saint Grégoire[2] qui fut évêque de Langres. Fils du sénateur Florent, il naquit à Clermont le 30 novembre 539. Fortunat disait en parlant de la race et de la patrie de Grégoire :
Honneur de ta maison, tête sublime de la cité de Tours, tu sembles parmi les Alpes de l'Auvergne un mont plus élevé qu'elles-mêmes. Et en s'adressant à sa mère :
Deux fois heureuse par ses mérites, et pour elle et pour le monde, cette Macchabée[3] qui donna au ciel sept enfants dignes des palmes du martyre ; et toi aussi, Armentaria, tu es véritablement une heureuse mère, toi qui, brillante par ton enfant, ornée des œuvres de ton fils, reçois pour couronne la sainteté persévérante de Grégoire.

À cinq ans, il fut confié à son oncle paternel, saint Gal, évêque de Clermont[4]. Dès ce temps-là, il paraissait si saint que son cousin Nizier, saint évêque de Lyon, le regardait comme un saint et un prédestiné ; en effet, dans son enfance, instruit en songe par un ange, il guérit deux fois son père des maux dont il était tourmenté : une fois, en mettant sous le chevet du lit paternel une tablette où était écrit le nom de Jésus, et une autre fois, à l'exemple de l'ange Raphaël, dans le livre de Tobie, par l'odeur du foie d'un poisson qu'il fit rôtir.

Étant lui-même tombé malade, il se fit porter au tombeau de saint Alyre[5] qui fut évêque de Clermont ; n’ayant obtenu aucun résultat la première fois, il promit à la seconde d'entrer dans l'Église et recouvra la santé.  En 569, il reçut le diaconat des mains de Cautin, successeur de saint Gall.

Comme un bourgeois de Clermont qui avait apporté de Tours un morceau de bois détaché du tombeau de saint Martin, ne le gardait pas dans sa maison avec la révérence convenable, tous ses domestiques tombèrent malades. Lorsqu’il eut recours à Dieu pour savoir la cause du mal, un visage indigné lui apparut en songe pour lui dire que le peu de respect porté à la relique était la cause de ses maladies qui cesseraient quand il remettrait le précieux dépôt entre les mains du diacre Grégoire. Il le fit et il vit l’accomplissement de la promesse. Grégoire visitait alors souvent des religieux pénitents dont la conversation le dégoûta entièrement du monde ; il s’adonna à la prière continuelle et de grandes austérités qui altérèrent tant sa santé que l’on désespéra de le guérir ; il se fit transporter au tombeau de saint Martin où il reçut une parfaite guérison, miracle qui se reproduisit si souvent qu'on eût dit qu'il ne tenait la vie que de ce grand saint.

Ses fréquents pèlerinages à Tours l’y rendirent si familier qu’après la mort d'Euphrone (4 août 573), malgré sa résistance, selon les vœux du roi Sigebert[6] et de la reine Brunehaut, on l’élit évêque de Tours où, après les guerres qui avaient désolé le pays, les églises étaient ruinées, les mœurs corrompues et la discipline altérée. Avec un zèle merveilleux, il fit remédier à tous ces désordres, surmontant les obstacles qu'il trouva d'abord à ses desseins. Il fit restaurer sa cathédrale et fit bâtir d'autres églises. Il corrigea dans le peuple un grand nombre d'abus et réforma son clergé. Il avait le don du discernement des esprits dont il se servait utilement pour délivrer ses ouailles de leurs maladies spirituelles ; ainsi, ayant découvert à deux religieux, Sénoch et Liobard, dont chacun vantait la sainteté, leurs plus secrètes pensées, il les guérit d'une vanité dangereuse qu'ils entretenaient dans leur cœur sans la bien connaître. Il secourait les pauvres plutôt selon la grandeur de sa charité, qui était sans bornes, que selon la force de son bien et du revenu de son évêché. Il soutenait avec un courage intrépide les immunités ecclésiastiques et le droit d'asile des temples sacrés contre les plus grands seigneurs et contre les rois eux-mêmes ; ainsi ne voulut-il jamais livrer au roi Chilpéric[7] son fils Mérovée qui s'était réfugié au pied de l'autel de Saint-Martin ; quand le duc Bladaste et le comte Badachaire eurent recours au même asile, il s’en fut trouver le roi Gontran[8] qui, refusant de pardonner, s’entendit dire : Puisque vous ne voulez pas, Sire, m'accorder ce que je vous demande, que souhaitez-vous que je réponde à mon Seigneur qui m'a envoyé vers vous ? Le roi Gontran demanda : Et qui est ce seigneur ? Grégoire répondit en souriant : C'est le glorieux saint Martin, il a pris ces deux princes sous sa protection, et lui-même vous demande leur grâce. Ces paroles touchèrent tellement Gontran qu'il pardonna et fit rendre les biens qu'il avait confisqués.

Cet excellent prélat ne montra pas moins de constance dans un synode tenu à Paris contre saint Prétextat, évêque de Rouen, qui avait pour partie adverse le roi Chilpéric et la reine Frédégonde (577) ; les autres évêques n'osant pas parler en faveur de l'accusé, de peur de déplaire à la cour, Grégoire eut le courage d'exhorter ceux qui étaient les mieux venus auprès du roi à le persuader de se départir de cette affaire qui ne ferait que lui attirer le blâme des hommes, aussi bien que la colère et les justes vengeances de Dieu ; et comme Chilpéric le fit appeler devant lui pour se plaindre de ce qu'il soutenait un évêque qui lui était désagréable, il lui fit cette excellente réponse : Si quelqu'un de vos sujets s'écarte de son devoir et commet quelque injustice, vous êtes au-dessus de lui pour le châtier ; mais si vous-même vous vous éloignez du droit sentier de la justice, il n'y a personne qui ait le droit de vous punir. Nous donc, à qui Dieu a commis le soin des âmes, nous prenons alors la liberté de vous en faire de très humbles remontrances, et vous nous écoutez si vous voulez ; que, si vous ne nous écoutez pas, vous aurez à répondre à un souverain juge qui, étant le maître absolu des rois, vous traitera selon vos mérites.

Ce discours n'empêcha certes pas la condamnation de Prétextat, mais comme Frédégonde connut par-là la vigueur épiscopale de Grégoire, elle fit ce qu'elle put par des promesses et des menaces pour l'attirer dans ses intérêts. Il fut insensible aux uns et aux autres, et, dans l'état déplorable où était alors le pays, troublé par les démêlés de quatre rois, et presque ruiné par les cruautés de deux reines ambitieuses, il sut se maintenir inviolablement dans la défense de la vérité et de la justice. Il éprouva néanmoins combien il était dangereux de déplaire à Frédégonde quand, trois ans après l'affaire de saint Prétextat, elle le fit citer devant un synode que l'on tenait à Brenni, près de Compiègne, sous prétexte qu'il avait mal parlé d'elle ; mais, n'ayant aucune preuve contre lui et son serment le purgeant entièrement, elle fut obligée de le laisser renvoyer absous, contrairement à celui qui l'avait accusé qui fut excommunié comme calomniateur.

En 594 il partit en pèlerinage à Rome pour vénérer les tombeaux des saints Apôtres. Saint Grégoire le Grand, qui était nouvellement élu pape, le reçut avec beaucoup d'honneurs ; cependant, le voyant de très petite taille, il admirait que Dieu eût enfermé une si belle âme et tant de grâces dans un si petit corps. L'évêque connut par révélation cette pensée, et lui dit : Le Seigneur nous a faits, et nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes, mais il est le même dans les petits que dans les grands. Le Pape fut étonné de voir qu'il eût pénétré le secret de son cœur, et depuis il l'honora comme un saint, lui donna une chaîne d'or, pour mettre dans son église de Tours, et accorda en sa faveur de beaux privilèges à la même église.

Saint Grégoire de Tours a fait durant sa vie un très grand nombre de miracles[9] et de guérisons surnaturelles ; mais, comme il était extrêmement humble, pour cacher la grâce des guérisons dont Dieu l'avait favorisé, il appliquait toujours sur les malades qu'il voulait guérir les reliques qu'il portait sur lui. Il a aussi reçu de la bonté de Dieu des faveurs et des assistances tout à fait extraordinaires. Des voleurs étant venus pour le maltraiter, ils furent contraints de s'enfuir par une terreur panique dont ils furent saisis. Un orage, accompagné d'éclairs et de tonnerres, s'étant élevé en l'air tandis qu'il était en voyage, il ne fit que lui opposer son reliquaire, et il se dissipa en un moment. Dans la même occasion, ce miracle lui ayant donné quelque vaine joie et quelque sorte de complaisance, il tomba aussitôt de cheval et apprit par-là à étouffer dans son cœur les plus petits sentiments d'orgueil. Étant un jour de Noël, le matin, dans un grand assoupissement pour avoir veillé toute la nuit, une personne lui apparut en songe et le réveilla par trois fois, lui disant à la troisième fois, par allusion à son nom de Grégoire, qui signifie vigilant : Dormirez-vous toujours, vous qui devez éveiller les autres ? Enfin, sa vie a été remplie de tant de merveilles, qu'il faudrait un volume entier pour les rapporter.

Depuis son retour de Rome, il s'appliqua plus que jamais à la visite de son diocèse, à la correction et à la sanctification des âmes qui lui étaient commises, à la prédication de la parole de Dieu et à toutes les autres fonctions d'un bon évêque. Ce fut dans ces exercices qu'il acheva le cours de sa vie, étant seulement âgé de cinquante-six ans, le 17 novembre de l'an 595, qui était la vingt et unième de son épiscopat. L'humilité qu'il avait pratiquée pendant sa vie parut encore après son décès, par le choix qu'il fit de sa sépulture[10]. Il s'était fait ensevelir dans un endroit placé de telle manière, qu'il devait être sans cesse foulé aux pieds par tout le monde, et l'on était empêché nécessairement par la disposition du lieu de lui témoigner jamais aucun respect. Mais le troupeau du bienheureux Martin, ne pouvant supporter de telles choses, a levé de cette place l'ami de son seigneur, et l'a déposé avec le respect convenable dans un riche mausolée élevé à la gauche du sépulcre saint.

Saint Grégoire de Tours a beaucoup écrit mais son principal ouvrage est son Historia Francorum sans laquelle l’histoire et les mœurs de la seconde moitié du VI° siècle nous seraient presque inconnues. On peut le considérer comme le père de l’histoire de France. Il a laissé également plusieurs livres sur la gloire des martyrs, la gloire des confesseurs, les miracles de saint Martin, les vies des Pères et les miracles de saint André. On a perdu un commentaire sur les psaumes, un traité sur les offices de l’Église, une préface à un livre perdu de saint Sidoine, et une histoire des Sept-Dormants.

Il est mort le 17 novembre, dans la semaine même consacrée à Martin : de telle sorte qu'après avoir commencé, déjà malade, à célébrer la fête du saint, il put l'achever joint avec lui dans le ciel, par la grâce du Seigneur Jésus-Christ, Dieu vivant, qui règne avec le Père et le Saint-Esprit aux siècles des siècles. Amen.

 

[1] Les martyrs de Lyon, dont la fête est célébrée le 2 juin, souffrirent leur passion en 177 ; les plus connus sont : saint Pothin, évêque de Lyon, Vettius Epagathus, le médecin phrygien Alexandre, Attale de Pergame, Alicibiade, Ponticus, Biblis, Sanctus, Maurus et Blandine. On connaît leur martyre par une lettre aux Églises d’Asie et de Phrygie : « Vettius Epagathus se trouvait avec nos frères. Il débordait de charité envers Dieu et le prochain ; sa vie austère lui méritait, malgré sa jeunesse, l’éloge donné au vieillard Zacharie : oui, il marchait sans reproche dans tous les commandements et observances du Seigneur (Luc 1,6). Il était diligent pour rendre service, très zélé pour Dieu, tout bouillant de l’Esprit. Un pareil homme ne put tolérer la procédure extravagante instituée contre nous. Dans un sursaut d’indignation, il réclama la parole, lui aussi, pour défendre ses frères et montrer qu’il n’y avait rien d’irréligieux ni d’impie parmi nous. Mais ceux qui étaient autour du tribunal crièrent haro sur lui, car c’était un homme connu, et le gouverneur n’admit point cette requête pourtant juste. Il se contenta de lui demander s’il était chrétien, lui aussi. Epagathus le reconnut d’une voix vibrante et fut admis au nombre des martyrs. »

[2] Grégoire, seizième évêque de Langres, membre d’une des grandes familles sénatoriales de la Gaule romaine, naquit vers 450 et fut très jeune comte d'Autun, charge qu'il exerça pendant une quarantaine d'années avec beaucoup de conscience et une fermeté que certains jugèrent quelque peu excessive. Veuf, il fut élu évêque de Langres en 506. Son épiscopat dura près de 33 ans. Langres ayant été dévasté, il fixa sa résidence au castrum de Dijon. Évêque très zélé, il menait une vie fort mortifiée et consacrait de longues heures à la prière. Il avait l'habitude de passer une partie de la nuit dans le baptistère de Saint-Vincent, où étaient exposées de nombreuses reliques. Ayant redécouvert (à la suite d'une vision) les reliques de saint Bénigne, il fit construire sur la tombe du martyr une église (consacrée en 535) et il fonda pour la desservir l'abbaye de Saint-Bénigne, qu'il dota de terres prises sur son patrimoine. Il assista aux conciles d'Epaonne de 517, de Lyon vers 519 et de Clermont en 535 ; il se fit représenter par un de ses prêtres à celui d'Orléans (538). Lorsque l’abbé Jean, fondateur du monastère de Réomé, voulut se retirer à Lérins, il le rappela par une lettre sévère. Pris de fièvre en se rendant de Dijon à Langres pour y célébrer la fête de l'Épiphanie, il mourut le 4 janvier 539. Conformément à son désir, on ramena son corps à Dijon, où il fut inhumé dans le baptistère. Venance Fortunat composa son épitaphe. Des miracles ne tardèrent pas à se produire par son intercession. Il avait eu trois enfants, dont l'un, Tetricus, lui succéda comme évêque de Langres et fit construire un tombeau répondant mieux au culte dont son père était l'objet (l'anniversaire de cette translation se célébrait le 6 novembre) ; un autre fut le père de saint Euphrone, évêque de Tours ; et un troisième fut le grand-père de Grégoire de Tours qui a évoqué à diverses reprises avec de nombreux détails la figure de son aïeul.

[3] Les sept frères Macchabées et leur mère, martyrs de la religion juive, mis à mort en l'an 168 av. J.-Ch., par l'ordre du roi de Syrie Antiochus Épiphane.

[4] Gal, issu d'une illustre famille clermontoise, fut d'abord moine à Cournon, à une dizaine de kilomètres de Clermont, puis diacre de Quintianus, évêque de sa ville natale. Thierry I°, fils de Clovis, se l'attacha ensuite et l'emmena dans quelques-uns de ses déplacements ; Gal séjourna notamment à Cologne. Enfin, il succéda à Quintianus au siège de Clermont. Il serait mort dans sa soixante-cinquième année, huit ans après une épidémie qui ravagea l'Europe et qu'on situe en 543 : sa mort daterait donc de 551 et sa naissance de 487. Son épiscopat ayant duré vingt-sept ans, couvrirait les années 524-51, période durant laquelle se tinrent les conciles de Clermont (535) et Orléans (541, 549) auxquels il participa, et ceux d'Orléans (533 et 538) où il se fit représenter. Malgré son séjour à la cour de Thierry I° et la faveur du roi et de la reine, Gal ne semble pas avoir joué un rôle majeur dans la vie politique de son temps, sinon Grégoire l'eut mis en valeur dans son Historia Francorum.  Sa désignation au siège de Clermont avait fait des jaloux et il eut des rivaux que Grégoire ne manque pas de discréditer. Sa nomination toutefois ne provoqua sans doute pas de sérieuses difficultés, car le neveu ne s'attarde pas longuement à légitimer le pouvoir de l'oncle comme il le fait pour d'autres évêques. Notons cependant que le second canon du concile de Clermont de 535 rappelle précisément que la dignité épiscopale doit être accordée en fonction des mérites et non à la suite d'intrigues. Sur le plan ecclésiastique, rien de connu ou presque n'est à porter au compte de Gal : Grégoire lui prête l'institution d'un pèlerinage annuel à Saint-Julien de Brioude au temps du Carême, pèlerinage qui se faisait encore au moins sous son successeur Cautinus ; il serait osé d'attribuer à Gal un rôle particulier dans les lois qui furent édictées dans les conciles auxquels il participa. Pour éclairer la personnalité de l'évêque, on rappellera l'attachement de sa famille à la religion et à l'Église, sa fuite au monastère et son refus du mariage, sa voix qu'il avait belle, don remarqué à une époque où l'art de lire et de chanter était à la fois peu commun et important (cet art séduisit d'ailleurs Quintianus d'abord, le roi Thierry I° ensuite), l'esclandre qu'il provoqua dans un temple païen à Cologne et qui faillit lui coûter la vie, sa mort pieuse à la suite d'une maladie qui lui fit perdre barbe et cheveux. On sait aussi qu'il aimait montrer une cicatrice qu'il avait au pied, souvenir d'une blessure dont il attribuait la guérison à saint Julien et qu'il exprimait souvent le regret de n'avoir pas été massacré par les païens au temple de Cologne. Il eut des miracles sur son tombeau qui fut transféré à Saint-Laurent de Clermont puis à Notre-Dame-du-Port.

[5] Saint Alyre, quatrième évêque de Clermont (370-384), succéda à saint Leogontius. Sa réputation de sainteté s'étendit dans les cités voisines et parvint jusqu'au palais impérial de Trèves, où la fille de l'Empereur, possédée du démon, était regardée comme incurable. L'empereur dont il s'agit ne peut être que l'usurpateur Maxime (383-388). L'empereur manda l'évêque des Arvernes à Trèves. Alyre se mit en prières ; on lui amena la possédée et il lui suffit de poser ses doigts sur sa bouche pour la guérir. Alyre refusa les grosses sommes d'argent offertes par l’empereur, se contentant d'obtenir de que le tribut sur le blé et le vin de Clermont, payés jusque-là en nature, serait transformé en contribution en numéraire. Alyre mourut sur le trajet du retour à Clermont (384). De nombreux miracles, eurent lieu sur son tombeau, placé dans la crypte de l'église Sainte-Marie-entre-les-Saints qui lui fut consacrée.

[6] Sigebert I°, fils de Clotaire I°, fut roi d’Austrasie de 561 à 575 ; il épousa Brunehaut, fille du roi des Wisigoths, Athanagilde.

[7] Chilpéric I°, fils de Clotaire I°, fut roi de Neustrie de 561 à 584 ; il épousa Galswinthe (sœur de Brunehaut), fille du roi des Wisigoths, Athanagilde.

[8] Gontran, fils de Clotaire I°, fut roi de Bourgogne et d’Orléans de 561 à 563.

[9] Sans parler des miraculeuses guérisons que Grégoire raconte comme les ayant vu s'accomplir en faveur de tous ses proches, de son père arraché plusieurs fois à la mort, de sa mère guérie d'un mal de jambe dont elle avait souffert pendant trente-quatre,  de son frère Pierre, de son beau-frère Justin, de son oncle Gal, délivré d'une épine qu'il s'était mise en marchant pieds nus dans les champs ; d'une foule enfin de ses parents, amis ou serviteurs, le pieux évêque de Tours est intarissable quand il parle des miracles opérés sur sa propre personne par l’intervention céleste, surtout par la puissance de saint Martin. Ainsi un lot de reliques provenant de l'héritage de son père et enfermées dans un étui d'or, lui servait à conjurer l'incendie et l'orage, et saint Julien lui enleva une fois des douleurs de tête résultant d'un coup de soleil. Mais, par le grand saint Martin, il obtint d'échapper, sur la seule invocation de son nom, à une attaque de brigands ; d'être délivré de la fièvre et de pustules sur tout le corps, en se faisant porter à son   tombeau ; de la dysenterie et du mal de dents au moyen de la poussière qu'on recueillait sur le sépulcre ou sur le sol environnant et qu'on buvait délayée dans de l'eau ; de la migraine, d'une inflammation d'entrailles, et d'une arête de poisson qui était restée trois jours dans sa gorge, en appliquant sur la partie malade les tentures drapées au-dessus du monument ; d'un gonflement de la langue et des lèvres en frottant sur la grille qui l'entourait le bout de sa langue ; enfin il chassait la grêle loin de ses vignes en mettant sur l'arbre le plus élevé qui s'y trouvât un peu de cire découlée des cierges qu'on brûlait sur ce tombeau merveilleux.

[10] Le tombeau de Grégoire de Tours, reconstruit avec luxe par saint Ouen à la fin du septième siècle, puis rétabli, au commencement du onzième, après les ravages des Normands, par Hervé, trésorier de l'église de Tours, disparut en 1562 sous les coups des Huguenots. On lit dans les délibérations du chapitre de Saint-Martin de Tours, qu'à la date du 1er juillet 1563, les chanoines ordonnèrent qu'on remettrait en place dans leur église l'un des grands os des bras de saint Martin avec un fragment de sa tête et quelques morceaux des crânes de saint Brice et de saint Grégoire qui avaient échappé au feu. Ces derniers débris n'ont pas survécu à la tourmente de 1793.

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